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Frantisek Palacky

Par Astrid Hofmanova

Frantisek Palacky est né le 14 juin 1789 dans un petit village de Hodslavice en Moravie. Conduit par son père, maître et lecteur protestant de la Bible, le jeune Frantisek a terminé ses études secondaires au lycée de Trencin et plus tard au lycée de Bratislava, en Slovaquie, avant de poursuivre ses études supérieures à Prague, en 1823. Ami intime de Josef Dobrovsky, philologue, historien et figure de proue de la renaissance nationale tchèque du XIXe siècle, Palacky s'est lancé dans le travail d'archiviste et généalogiste au service du comte Sternberg. A cette fin, il a entrepris plusieurs voyages en Allemagne, en Italie, en France et en Suisse où il élargissait ses connaissances et acquérait des expériences méthodologiques nécessaires.

Timbre avec portrait de Frantisek Palacky Au XIXe siècle, les Tchèques n'avaient pas d'historiographie en leur langue maternelle. A part quelques chroniques anciennes pas très dignes de foi et interprétations officielles de l'Eglise, les Tchèques manquaient totalement de littérature sérieuse sur leur histoire. C'est pourquoi, en 1838, on a désigné Palacky au poste d'historiographe du pays avec la vocation d'écrire une nouvelle oeuvre qui traiterait de tous les moments clés de l'histoire tchèque présentés dans le contexte européen. Un devoir énorme pour un homme qui n'avait que trente ans à l'époque.

Avant de vous présenter l'oeuvre de Frantisek Palacky, expliquons, tout d'abord, quelle était sa conception de l'histoire tchèque. Palacky comprenait l'histoire du peuple tchèque comme un conflit entre l'entité tchèque et l'entité allemande, soit, et nous citons déjà Palacky, "entre l'agriculteur et plébéien tchèque paisible, qui vit dans un milieu naturellement démocratique, et le guerrier, féodal et aristocrate germanique avec le désir anarchique de régner et de dominer les autres peuples". Palacky estime, en effet, que si les Francs ou Allemands éprouvaient parfois de la sympathie pour le système démocratique, c'était toujours sous l'influence des Slaves.

Le mouvement hussite est l'un des chapitres de l'histoire tchèque auquel Palacky a voué le meilleur de lui-même. Il a apporté une vue nouvelle du mouvement hussite, car il ne le considérait pas comme une période de bouleversements politiques dans un pays relativement stable, mais comme une lutte pour la justice par l'intermédiaire de laquelle le peuple tchèque a voulu renouer avec les traditions démocratiques slaves. A l'époque, tout le monde chrétien parlait de la Bohême et regardait les Tchèques comme un peuple de héros. Bref, Palacky vivait en pleine période de la renaissance nationale et il a réussi à projeter son idéologie dans le passé. Il a su convaincre le peuple tchèque de sa grandeur et tracer ainsi son chemin vers l'avenir. Et, c'est justement ce dont cette nation non reconnue luttant pour sa renaissance nationale, au début du XIXe siècle, avait besoin. Frantisek Palacky était celui que l'histoire avait choisi pour devenir, au vrai sens du mot, "père de la Nation".

"L'Histoire du peuple tchèque en Bohême et en Moravie" a commencé à paraître en 1836, en allemand, ce qui était un choc pour les penseurs éclairés nationaux. Mais, à l'époque, c'était plus ou moins courant, notamment, dans la littérature scientifique. La version tchèque de cette oeuvre ne paraît qu'en 1848, l'année où Palacky entre dans la politique officielle.

Sur le plan politique, Palacky a été considéré comme un homme politique conservateur, même s'il se définissait lui-même comme un libéral national. Quant à l'avenir du peuple tchèque, qui faisait partie, à l'époque, de l'empire austro-hongrois, Palacky regardait l'Autriche comme le seul ensemble étatique capable de survivre dans l'espace entre l'Allemagne et la Russie. Cela dit, il insistait sur l'idée que les Tchèques ne pouvaient vivre que dans le cadre d'un Etat fédératif, qui serait une synthèse de l'ordre autrichien et de l'esprit démocratique slave. Entrant dans la lexicologie historique sous le nom d'austro-slavisme, cette théorie ne fut, pour autant, jamais appliquée dans la pratique, de même que son projet de démocratisation de la société tchèque.

Comme homme politique, Palacky n'a pas réussi, de même que toute la politique tchèque de 1848, son oeuvre historique, elle aussi, présentant de nombreuses lacunes. Sa vision des Slaves en tant que démocrates de nature qui n'ont jamais connu l'esclavage ou la domination féodale était complètement fausse, car les Slaves étaient aussi cruels que leurs voisins occidentaux. Palacky était plein de paradoxes. Dans son âme, le rationalisme classique et l'esprit de continuité, d'un côté, se mariait avec les visions romantiqes et l'émotivité, de l'autre côté. Les Slaves étaient pour lui des agriculteurs paisibles, mais pour manifester ce trait du caractère national il a choisi la période sanglante des guerres hussites. Malgré tout, il s'agit d'une grande oeuvre témoignant d'un effort presque surhumain avec lequel Palacky s'est lancé dans son écriture, a classé les données historiques, et constitué la base de l'historiographie tchèque.

Frantisek Palacky a achevé un travail de cinquante ans sur "L'histoire du peuple tchèque en Bohême et en Moravie" en 1876. A cette occasion, des centaines de personnalités de la vie politique et culturelle du pays se sont réunies à Prague, le 23 avril, pour honorer l'oeuvre de ce grand homme dont la vie devait s'éteindre deux mois plus tard. Tout le monde a regardé l'homme qui avait crée l'image, dont les couleurs se sont révélées trompeuses plus tard. En dépit de son caractère irréel, cette image était tellement belle que, cent ans plus tard encore, des générations entières se considéraient comme des descendants directs de Jan Hus ou de Georges de Podebrady. Frantisek Palacky est mort, le 26 mai 1876, à Prague. Son oeuvre monumentale figure sur la liste des anniversaires culturels de l'UNESCO.

Je voudrais encore ajouter que plusieurs manifestations culturelles ont lieu à l'occasion de la naissance de Frantisek Palacky dans sa ville natale et à Prague et que la Banque nationale tchèque a émis, à l'occasion de ce bicentenaire, une pièce d'argent, d'une valeur de deux cents couronnes, avec le portrait de Frantisek Palacky.



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