TANZWALZER Le morceau Danse-Valse op. 53, qui fut composé à Berlin en 1920. Il est le frère de «La Valse-Studie» de Maurice Ravel dans la mesure où Busoni, jetant un regard en arrière et procédant à un résumé, appelle par son nom la forme (ou les manières) de la valse de Vienne, tombée entre-temps dans l'oubli, et la cite encore une fois sous sa forme idéale et typique. Busoni n'écrit pas une valse suivant l'ordre classique «Introduction - Valse I - Valse II - Valse III - Valse IV - Coda» mais il établit en quelque sorte, tout en conservant la forme dont il a hérité, le bilan des expériences réalisées avec ce genre et avec ses particularités stylistiques, telles qu'elles se sont développées entre les mains de Lanner et Strauss. A la place d'une valse, il en résulte tout simplement, pour ainsi dire, une image de la valse, retouchée et comme issue du souvenir. Ainsi tout se déroule conformément au modèle: cette manière d'entrer en tâtonnant propre à l'introduction, où le mouvement qui deviendra plus tard enthousiaste s'anime immédiatement; la valse type No. 1 au mouvement gracieux, la valse type No. 2 au geste enivré; la valse type No. 3 incline, obscurcie, à la mélancolie; elle renferme cependant des ornements étincelants qui nous font penser à des guirlandes sonores; dans sa seconde partie nous voyons ensuite s'imposer ces figures octaviées standardisées qui devinrent, grâce à Johann Strauss, des tournures de style classiques et furent perfectionnées par Richard Strauss (dans «Le Chevalier à la Rose») qui leur donna un caractère de parfum exquis; la valse type No. 4 est la plus délicate de toutes et s'orne de figures aériennes jouées par les cordes. Enfin, les divers thèmes de valses sont encore une fois appelés par leur nom et précipités dans un délire conclusif enthousiaste. La virtuosité avec laquelle Busoni copie les mouvements et le style de la valse dont il a hérité, identifiant complètement ici au viennois le langage de la valse viennoise elle-même, met en lumière, soit dit en passant, le côté lumineux du psycho-programme de Ferruccio Busoni: l'élégance de ce Busoni qui est un cosmopolite serein, souverain et habile, parle couramment cinq langues et se révèle européen jusqu'au bout des ongles - ici, il parle encore une sixième langue sans accent: celle de la valse viennoise. [BOOKLET CPO ORCHESTRAL WORKS] |