Harry Halbreich

Sept Élégies

[KiV 249 et 252]


INTRODUZIONE
di Sergio Sablich

DISCOGRAFIA


«Je n'ai enfin trouvé mon véritable visage personnel que dans les Élégies», déclarait le compositeur. Les six premières furent écrites en 1907 et 1908, à l'époque de son texte théorique fondemental, «Projet d'une nouvelle esthétique musicale». La Septième Elégie fut ajoutée en juin 1909 : c'est une étude préliminaire pour la célèbre «Berceuse élégiaque» pour orchestre. Ce recueil, succédant à une pause de plus de dix ans durant laquelle Busoni n'avait plus rien écrit pour le piano seul, devait s'intituler à l'origine «Nach der Wendung» («Après le Tournant»), - ce qui situe bien son importance ; ce titre est resté celui de la première pièce, la seule qui ne soit ni une élaboration de musiques plus anciennes (comme les nos 2, 4 et 5), ni une étude préliminaire à des pages ultérieures (comme les nos 3, 6 et 7). A tous égards, ce cycle se situe donc sur la ligne de «partage des eaux» entre les deux grandes phases créatrices de Busoni. Le langage musical, illustrant les idées de son essai théorique, s'ouvre largement sur le siècle à venir: émancipation des concepts traditionnels de consonance et de dissonance; dépassement de l'alternative majeur/mineur vers une richesse modale toute nouvelle puisant aux sources tant anciennes que moernes, tant savantes que populaires, tant européennes, qu'extra-européennes (Busoni, dans son «Essai», dénombre non moins de cent treize de ces modes!) ; usage libre des douze sons de la gamme chromatique; abandon de plus en plus fréquent du principe de l'unité tonale, appel à des techniques polytonales et polymodales, à des harmonies faites de quartes et de quintes superposées, voire même harmonies «neutres» de saveur microtonale... Busoni entend par Élégie un morceau d'expression poétique, pas obligatoirement triste, comme le montrent les nos 2 et 4 (ou encore, dans le cycle ultérie d'Élégies pour orchestre, des pages aussi exubérantes que le «Rondo arlecchinesco» ou le «Tanzwalzer»).

La PREMIÈRE ÉLÉGIE,
Nach der Wendung

(«Après le tournant»), porte le sous-titre de «Recueillement», et ne fut écrite qu'en décembre 1907, après les nos 2 à 6. C'est un morceau tout en demi-teintes, d'une étonnante liberté d'harmonie, de rythme et de structure formelle : «recueillement» au seuil d'un univers nouveau (au même moment exactement, Schönberg «respirait l'air d'autres planètes» dans son «Deuxième Quatuor»!)...

La DEUXIÈME ELÉGIE est de caractère tout différent, et nullement «élégiaque» : intitulée
All'Italia! In modo napolitano, elle élabore trois fragments de caractère italien des deux Scherzos (deuxième mouvement, Pezzo giocoso, et quatrième mouvement All'Italia) du monumental Concerto pour piano et orchestre avec chœur d'hommes de 1903 : successivement une Canzone napolitaine (Andante barcarolo), une vive Tarentelle (Presto), et un Allegro.

La TROISIÈME ÉLÉGIE, la plus développée, la plus avancée de langage et la plus profonde d'expression, est un Prélude de Choral (
Choralvorspiel) qui élabore la mélodie luthérienne souvent utilisée par Bach, «Allein Goit in der Höh'sei Ehr» (paraphrase du Gloria in excelsis Deo); mais transposée en mineur, et adaptée à des paroles de signification bien différente «Meine Seele hangt und hofft zu dir» («Mon âme a peur et espère en toi»). Busoni a donné à ce morceau, qui se déroule Moderato, un po'maestoso, le sous-titre «Angst und Glauben» («Crainte et Foi»), que l'on peut interpréter également comme ce qu'il ressentait face à l'avenir inconnu de la musique, - un avenir dont il traçait lui-même les premières lignes. Ce morceau est l'une des sources de la Fantasia Contrappuntistica de 1910, où il sera réutilisé et élaboré.

La QUATRIÈME ÉLÉGIE s'intitule
Turandots Frauengemach. Intermezzo («l'Appartement des femmes de Turandot: Intermezzo»). Cette pièce en deux volets (Andantino sereno - Più vivo e distaccato e ritmato), qui cite la célèbre mélodie anglaise de la Renaissance «Greensleeves», développe l'introduction au troisième acte de la musique de scène que Busoni avait écrite en 1906 pour la Turandot de Gozzi, tout en la raccordant au Lied avec chœur qui ouvrira le deuxième acte du futur opéra (1917), - que le compositeur devait écrire à partir de sa musique de scène. C'est une pièce brillante et vituose, d'une écriture instrumentale lisztienne.

La CINQUIÈME ÉLÉGIE
Die Nächilichen. Walzer («les Nocturnes. Valse»), est une brève et fantômatique danse d'ombres (marquée Schnell, flüchtig und verschleiert : «rapide, fugitif et voilé»), entièrement dans les nuances les plus infimes du pianissimo. Elle aussi se rattache à Turandot tant à la Valse nocturne de la musique de scène qu'au dernier «Intermezzo» du futur opéra.

La SIXIÈME ÉLÉGIE, au titre lisztien d'
Erscheinung («Apparition»), et sous-titrée «Notturno», fut en réalité la première écrite (dès la fin de 1906). C'est néanmoins celle des six premières à laquelle Busoni attachait le plus de prix, et c'est l'une des plus libres et des plus avancées de style, l'une des plus expressives également. Le compositeur devait en réutiliser la musique dans son premier opéra, Die Braulwahl (1912). Cette Élégie comporte une coda citant comme dans un rêve (Visionario) le motif initial de la Première Élégie, - «coda» qu'il ne faut jouer que lorsqu'on exécute en entier le cycle, dont elle souligne ainsi l'unité.

Ajoutée en juin 1909, la SEPTIÈME ÉLÉGIE, intitulée
Berceuse, n'est autre qu'un premier état, beaucoup moins développé, de la sublime «Berceuse élégiaque» pour petit orchestre, que Busoni écrira plus tard dans l'année sous le coup de la mort de sa mère, survenue le 3 octobre. Ici le langage n'est ni tonal, ni atonal, pas, davantage chromatique, mais planant en quelque sorte en état d'apesanteur, - ce que soulignent encore la fluidité du rythme et la légèreté désincarnée de l'écriture instrumentale. Une pareille merveille s'inscrit dans le droit fil de l'héritage du Liszt tardif des «Nuages gris».

BV 249 Elegien, 6 neue klavierstucke (Sept.1907-1.1.1908)
No.1: Nach der Wendung
No.2: All'Italia! In modo Napolitano
No.3: Meine Seele bangt und hofft zu dir, Choral Vorspiel
No.4: Turandot's Frauengemach, Intermezzo
No.5: Die Nachtlichen Walzer
No.6: Erscheinung. Notturno

Eduard Steuerman (Pf)(w/287, Sonatines 1 & 6)
CONTEMPORALY S8501(LP)

Michele Campanella (pf)(r.1980.10 w/267)
CETRA-ITALIA ITL70077(LP)

Gunnar Johansen (pf)(w/Sona. 1 and 2)
ARTIST DIRECT(Complete Piano Works of Busoni 1)(LP)

Martin Jones (pf)(c.1973 w/Ballet-Scene No.4)
ARGO ZRG741(LP)

David Bean (pf)(c.1968 w/Villa-Robos)
RCA VICS1379(LP)

Geoffrey Douglas Madge (pf)
PHILIPS 420 740-2

Bruce Wolosoff (pf)(r.1986.12 w/Sonata)
MUSIC AND ARTS CD-293

Boris Bloch (pf)(w/Beethoven, Rachmaninoff)
DGG 2535006(LP)

Fabio Grasso (pf)(r.1998.4 w/287,Albumbl.)
SOLTICE SOCD158

Jeni Slotchiver (pf)('Visionary' w/252,267,B24)
CENTAUR CRC2438
-No.1

William Stephenson (pf)(r.1993.7 Busoni Piano Music Vol.1)
OLYMPIA OCD461
-No.2

Egon Petri (pf)(r.1938.9.27)
COLUMBIA CAX 8325-1(LX792)(SP)
EMI HQM1112(w/Busoni, Beethoven, Schubert, Liszt)
ANGEL(J) GR2181(w/Busoni, Beethoven, Schubert, Liszt)
APPIAN CDAPR 7027(Egon Petri: His recordings 1929-1942 Volume Three)

Egon Petri (pf)(r.1959 w/Beethoven,Liszt)
VERITAS VM116(LP)
RECITAL RECORDS RR430(LP)
M&A CD112(w/Other Petri Recordings)

Cyril Huve (pf)(r.1985.9 w/249,Son.2,287,267)
ERATO NUM75243
-No.1,4

Geoffrey Tozer (pf)(w/267, 254 etc.)
CHANDOS 9394
-No.2,1,4

Giuseppe Mariotti (pf)(r.1995 Nov.,96 Apr.)
FONE 95F11/13(3CD,Busoni Opere per Pianoforte)
-No.2,4

Valerie Tryon (rec.1997.7 'Visionary')
MUSICA VIVA MVCD1126
-No.2

Cyril Huve (pf)(r.1985)
ERATO NUM75243
-No.3

Enrica Cavallo (pf)(w/Etudes Op.16, 268, Casella)
MHS 3825/6(LP)
-No.3,4,5,6

Claudius Tanski (pf)(r.1991.10&1992.3 w/BWV565, Chor.Prel.,259,287)
MD+G 3120436-2
-No.4

John Ogdon (pf)(w/Liszt,Ravel)
MELODIYA D010339/40 (LP)

John Ogdon (pf)
EMI ASD434(LP)(w/213a,247,Liszt)
SXDW3053(2LP)(w/213a,247,284)

Jose Vianna da Motta (pf)(w/Liszt, Chopin)
PATHE X5451(SP)
IPA IPL108(LP)
DANTE HPC028

Boris Bloch (pf)(p.1980)
DG 2535 006(LP)('Concours'w/BV B 66, Beethoven, Rachmaninoff)
-No.5

Claudio Arrau (pf)(r.1921-39, w/Carmen, Balakirev,Chopin etc.)
MARSTON 52023-2(2CD)