HOMEPAGE

OPERNHAUS ZÜRICH WEBSITE

 

Hector Berlioz

LA DAMNATION DE FAUST

 

 

Première partie

Deuxième partie

Troixième partie

Quatrième partie

 

 

Scène IV

Nord de l'Allemagne

 

Faust seul dans sort cabinet de travail

Faust
Sans regrets j'ai quitté les riantes campagnes
Où m'a suivi l'ennui;
Sans plaisirs je revois nos altières montagnes;
Dans ma vieille cité je reviens avec lui.
Oh! je souffre! et la nuit sans étoiles,
Qui vient d'étendre au loin son silence
et ses voiles,
Ajoute encore à mes sombres douleurs.
Ô terre! pour moi seul
tu n'as donc pas de fleurs!
Par le monde, où trouver ce
qui manque à ma vie?
Je cherchais en vain, tout fuit mon âpre envie!

Allons, il faut finir!...
Mais je tremble... Pourquoi
Trembler dev nt l'abîme entr'ouvert devant moi?
Ô Coupe trop longtemps à mes désirs ravie,
Viens, viens, noble cristal, verse le poison
Qui doit illuminer
Ou tuer ma raison.

Il porte la coupe à ses lèvres. Sons des cloches. Chants religieux dans l'église voisine.

 

Chant de la Fête de Pâques

 

Chœur
Christ vient de ressuciter!

Faust
Qu'entends-je?

Chœur
Quittant du tombeau
Le séjour funeste,
Au parvis céleste
Il monte plus beau.
Vers les gloires immortelles
Tandis qu'il s'élance à grands pas.
Ses disciples fidèles
Languissent ici-bas.
Hélas! c'est ici qu'il nous laisse
Sous les traits brûlants du malheur.
Ô divin maitre! ton bonheur
Est cause de notre tristesse.

Faust
Ô souvenirs!
Ô mon âme tremblante!
Sur l'aile de ces chants vas-tu
Voler aux cieux!
La foi chancelante
Revient, me ramenant
La paix des jours pieux,
Mon heureuse enfance,
La douceur de prier,
La pure jouissance
D'errer et de rêver
Par les vertes prairies,
Aux clartés infinies
D'un soleil de printemps!
O baiser de l'amour céleste
Qui remplissais mon cœur de doux pressentiments
Et chassais tout désir funeste!

Chœur
Christ vient de ressuciter! ...
Mais croyons en sa parole éternelle,
Nous le suivrons un jour
Au céleste séjour
Où sa voix nous appelle.
Hosanna! Hosanna!

Faust
Hélas! doux chants du ciel,
Pourquoi dans sa poussière
Réveiller le maudit! Hymnes de la prière,
Pourquoi soudain venir ébranler mon dessein?
Vos suaves accords rafraîchissent mon sein.
Chants plus doux que l'aurore
Retentissez encore,
Mes larmes ont coulé,
Le ciel m'a reconquis.

 

Scène V

 

Méphistophélès
apparaissant brusquement

Ô pure émotion!
Enfant du saint parvis!
Je t'admire, docteur!
Les pieuses volées
Des ces cloches d'argent
Ont charmé grandement
Tes oreilles troublées!

Faust
Qui donc es-tu, toi dont l'ardent regard
Pénètre ainsi que l'éclat d'un poignard,
Et qui, comme la flamme,
Brûle et dévore l'âme?

Méphistophélès
Vraiment pour un docteur, la demande est frivole!
Je suis l'esprit de vie, et c'est moi qui console.
Je te donnerai tout, le bonheur, le plaisir,
Tout ce que peut rêver le plus ardent désir!

Faust
Eh bien! pauvre démon, fais-moi voir
Tes merveilles.

Méphistophélès
Certes! j'enchanterai tes yeux et tes oreilles.
Au lieu de t'enfermer, triste comme le ver
Qui ronge tes bouquins,
Viens, suis-moi, change d'air.

Faust
J'y consens.

Méphistophélès
Partons donc pour connaître la vie.
Et laisse le fatras de la philosophie.

Ils partent.

 

Scène VI

La cave d'Auerbach à Leipzig

 

Buveurs
À boire encor! Du vin
Du Rhin.

Méphistophélès
Voici, Faust, un séjour de la folle compagnie.
Ici vins et chansons réjouissent la vie.
 

Chœur de buveurs

 

Buveurs
Oh! qu'il fait bon quand le ciel tonne
Rester près d'un bol enflammé,
Et se remplir comme une tonne
Dans un cabaret enfumé!

J'aime le vin et cette eau blonde
Qui fait oublier le chagrin.
Quand ma mère me mit au monde,
J'eus un ivrogne pour parrain.
Oh! qu'il fait bon quand le ciel tonne...

Quelques buveurs
Qui sait quelque plaisante histoire?
En riant le vin est meilleur.

Autres buveurs
À toi, Brander!
Il n'a plus de mémoire!

Brander
ivre

J'en sais une, et j'en suis l'auteur.

Buveurs
Eh bien donc! vite!

Brander
Puis qu'on m'invite, Je vais vous chanter du nouveau.

Buveurs
Bravo! bravo!

 

Chanson de Brander

 

Brander
Certain rat, dans une cuisine
Établi, comme un vrai frater,
S'y traitait si bien que sa mine
Eût fait envie au gros Luther.
Mais un beau jour le pauvre diable,
Empoisonné, sauta dehors
Aussi triste, aussi misérable
Que s'il eût eu l'arnour au corps.

Choeur de Buveurs
Que s'il eût eu J'amour au corps.

Brander
Il courait devant et derrière;
il grattait, renifflait, mordait,
Parcourait la maison entière;
La rage à ses maux ajoutait,
Au point qu'a l'aspect du délire
Qui consumait ses vains efforts,
Les mauvaiies plaisants pouvaient dire:
Ce rat a bien l'amour au corps.

Choeur de Buveurs
Ce rat a bien l'amour au corps.

Brander
Dans le fourneau le pauvre sire
Crut pourtant se cacher très bien;
Mais il se trompait, et le pire,
C'est qu'on l'y fut rôtir enfin.
La servante, méchante fille,
De son malheur rit bien alors!
Ah! disait-elIe, comme il grille!
Il a vraiment l'amour au corps.

Choeur de Buveurs
Il a vraiment l'amour au corps.
Requiescat in pace. Amen.

Brander
Pour l'Amen une fugue! une fugue, un choral!
Improvisons un morceau magistral!

Méphistophélès
bas à Faust
Écoute bien ceci! nous allons voir, Docteur,
La bestialité dans toute sa candeur.

 

Fugue sur le thème de la
Chanson de Brander

 

Brander et le Choeur des Buveurs
Amen. Aa.. a.. men...
Amen. Amen.

Méphistophélès
Vrai dieu! messieurs, votre fugue est fort belle,
Et telle
Qu'à l'entendre on se croit aux saints lieux.
Souffrez qu'on vous le dise:
Le style en est savant, vraiment religieux;
On ne saurait exprimer mieux
Les sentiments pieux
Qu'en terminant ses prières l'Église
En un seul mot résume.
Maintenant,
Puis-je à mon tour riposter par un chant
Sur un sujet non moins touchant
Que le vôtre?

Buveurs
à demi voix

Ah ça! mais se moque-t-il de nous?
Quel est cet homme?
Oh! qu'il est pâle et comme
Son poil est roux.
N'importe! Volontiers! Autre chanson! À vous!

 

Chanson de Méphistophélès

 

Méphistophélès
Une puce gentille
Chez un prince logeait.
Comme sa propre fille,
Le brave homme l'aimait,
Et, l'histoire assure,
À son tailleur un jour
Lui fit prendre mesure
Pour un habit de cour.

L'insecte, plein de joie
Dès qu'il se vit paré
D'or, de velours, de soie,
Et de croix décoré,
Fit venir de province
Ses frères et ses sœurs
Qui, par ordre du prince,
Devinrent grands seigneurs.

Mais ce qui fut bien pire,
C'est que les gens de cour,
Sans en oser rien dire,
Se grattaient tout le jour.
Cruelle politique!
Ah! plaignons leur destin,
Et, dès qu'une nous pique,
Écrasons-la soudain!

Choeur des Buveurs
Bravo! bravo! bravo!

éclats de rire

Ha! ha! bravo, bravissimo!
Oui, écrasons-la soudain!

Faust
Assez! fuyons ces lieux,
où la parole est vile,
La joie ignoble et le geste brutal!
N'as-tu d'autres plaisirs,
Un séjour plus tranquille
À me donner, toi, mon guide infernal?

Méphistophélès
Ah! ceci te déplait? Suis-moi!

Ils partent.

 

Scène VII

Bosquets et prairies du bord de l'Elbe

 

Air de Méphîstophélès

Méphistophélès
Voici des roses,
De cette nuit écloses.
Sur ce lit embaumé,
Ô mon Faust bien-aimé,
Repose!
Dans un voluptueux sommeil
Où glissera sur toi plus d'un baiser vermeil,
Où des fleurs pour ta couche ouvriront leurs
corolles,
Ton oreille entendra de divines paroles.
Écoute! écoute!
Les esprits de la terre et de l'air
Commencent pour ton rêve un suave concert.
 

Choeur de Gnomes et de Sylphes

Songe de Faust

 

Gnomes et Sylphes
Dors, dors, heureux Faust;
Bientôt, oui, bientôt, sous un voile
D'or et d'azur, heureux Faust,
Tes yeux vont se fermer,
Au front des cieux va briller ton étoile,
Songes d'amour vont enfin te charmer.
De sites ravissants
La campagne se couvre,
Et notre oeil y découvre
Des fleurs, des bois, des champs,
Et d'épaisses feuillées,
Où de tendres amants
Promènent leurs pensées.

Méphistophélès, Gnomes et Sylphes
Heureux Faust,
Bientôt, sous un voile
D'or et d'azur,
Tes Yeux vont se fermer.
Au front des cieux va briller ton étoile.

Faust
Ah! sur mes yeux déjà s'étend un voile.

Gnomes et Sylphes
Mais plus loin sont couverts
Les longs rameaux des treilles
De bourgeons, pampres verts,
Et de grappes vermeilles.
Voici ces jeunes amants,
Le long de la vallée,
Oublier les instants
Sous la fraiche feuillée!
Une beauté les suit
Ingénue et pensive;
À sa paupière luit
Une larme furtive.

Méphistophélès, Gnomes et Sylphes
Une beauté les suit.
Faust, elle t'aimera.

Faust
endormi

Margarita!

Méphistophélès, Gnomes et Sylphes
Le lac étend ses flots à J'entour des montagnes;
Dans les vertes campagnes
Il serpente en ruisseaux.

Gnomes et Sylphes
Là, de chants d'allégresse
La rive rententit. Ha!
D'autres chœurs là sans cesse
La danse nous ravit.
Les uns gaiement s'avancent
Autour des côteaux verts! Ha!
De plus hardis s'élancent
Au sein des flots amers.

Faust
rêvant

Margarita! ô Margarita!

Gnomes et Sylphes
Partout l'oiseau timide,
Cherchant l'ombre et le frais,
S'enfuit d'un vol rapide
Au milieu des marais.

Méphistophélès
Le charme opère; il est à nous!

Faust
Margarita!

Gnomes et Sylphes
Tous, pour goûter la vie,
Cherchant dans les cieux
Une étoile chérie
Qui s'alluma pour eux.
Dors, dors, heureux Faust, dors, dors!

Méphistophélès
C'est bien, c'est bien, jeunes
Esprits, je suis content de vous.
Bercez, bercez son sommeil enchanté.

 

Ballet des Sylphes

Les esprits de l'air se balancent quelque temps
en silence autour de Faust endormi
et disparaissent peu à peu.

 

Faust
s'éveillant en sursaut
Margarita! Qu'ai-je vu! qu'ai-je vu!
Quelle céleste image! quel ange
Au front mortel!
Où le trouver? Vers quel autel
Traîner à ses pieds ma louange!

Méphistophélès
Eh bien! il faut me suivre encor
Jusqu'à cette alcôve embaumée
Où repose ta bien-aimée.
À toi seul ce divin trésor!
Des étudiants voici la joyeuse cohorte
Qui va passer devant sa porte;
Parmi ces jeunes fous,
Au bruit de leurs chansons,
Vers ta beauté nous parviendrons.
Mais contiens les transports
Et suis bien mes leçons.
 

Scène VIII

Final

Chœur d'étudiants et de soldats marchant vers la ville.

 

 

Chœur de soldats

 

Étudiants et Soldats
Villes entourées
De murs et remparts,
Fillettes sucrées,
Aux malins regards,
Victoire certaine
Près de vous m'attend;
Si grande est la peine,
Le prix est plus grand.

Au son des trompettes,
Les braves soldats S
'élancent aux fêtes
Ou bien aux combats;
Fillettes et villes
Font les difficiles;
Bientôt tout se rend.
Si grande est la peine,
Le prix est plus grand.
 

Chanson d'étudîants

 

Étudiants
Jam nox stellata velamina pandit;
Nunc, nunc bibendum et amandurn est!
Vita brevis fugaxque voluptas.
Gaudeamus igitur, gaudeamus!
Nobis subridente luna,
Per urbem quaerentes puellas eamus!
Ut cras, fortunati Caesares, dicamus:
Veni, vidi, vici!
Gaudeamus igitur!

Chœur de soldats et chanson des étudiants ensemble

Étudiants et Soldats
Villes entourées...

Faust et Méphistophélès
Jam nox...
 

Troixième partie