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CAVARADOSSI

 

L'engagement politique de Mario, qui paraît naturel chez un artiste, mérite examen. De petite nobiesse, libre penseur connu, il a abandonné le combat après la chute de la République pour se consacrer à l'Art et à la conquête amoureuse. S'il hait instinctivement le collaborateur Scarpia, c'est avant tout à un fugitif qu'il promet, sans trop réfléchir, son appui. Mais déjà, Tosca apparaît comme la Femme qui doit être confinée à l'Amour, loin des affaires des hommes qu'elle pourrait trahir au confessionnal tant elle reste secrètement liée à l'obscurantisme. Dans leur dernière rencontre avant le drame, cet amoureux professionnel est lointain et froid. La tentation de l'action prend le pas sur la Femme: usant de toute sa séduction pour se débarrasser d'elle, exacerbant sa jalousie qui va nouer le drame, il brise déjà leur amour.
Apprenant que la femme en prière qu'il a désirée ne menait pas quelque intrigue amoureuse, il prend conscience que la Femme peut être autre chose qu'objet d'amour, s'inscrire dans le combat politique: la Politique l'emporte sur la contemplation esthétique et le désir. Offrant l'hospitalité de sa villa - lieu jusqu'ici consacré à l'amour et où il introduit la Politique - il s'engage pour la première fois au péril de sa vie. Le voici résistant à l'oppression, face à la torture et à la Mort, rejetant Tosca qui, trahissant la règle du silence des militants par amour pour lui, refuse la nécessité de l'engagement: destin révolutionnaire exemplaire! Le défi qu'il jette à deux reprises à Scarpia est marque de leur rivalité devant l'objet possédé - désiré, mais aussi défi politique lancé au bourreau promis au châtiment des collaborateurs.
Et c'est avec le vocabulaire messianique du militant qu'il annonce «l'aube vengeresse où la Liberté se lève et la tyrannie s'effondre». Affrontement entre deux hommes, entre deux systèmes politiques, où la Femme, témoin impuissant, ne peut que demander pitié, appeler au nom de l'Amour à l'apaisement du conflit entre les hommes. [...] Ainsi Mario, le séducteur type, renonce aux élans de l'amour pour rencontrer le destin du militant révolutionnaire.
Bernard BOVIER-LAPIERRE, «Tosca: subversion lyrique?», in L'Avant-Scène Opéra, nº 11, settembre-ottobre 1977, p. 93 [non ripubblicato nella ristampa del 1993].
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