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Par Corinne Amar

Wolfgang Amadeus Mozart : portrait.
Par Corinne Amar

édition du 17 novembre 2005

portrait de Mozart Wolfgang Amadeus Mozart
Barbara Krafft, Portrait de Mozart (détail) 1819
© AKG Images

Au moment où l’on s’apprête à fêter le 250ème anniversaire de la naissance de Mozart, au moment où, exhumant le manuscrit autographe du Don Giovanni de Mozart, trois musicologues croisent leurs regards sur ce chef-d’oeuvre absolu de la création artistique (527ème oeuvre d’un Mozart de 31 ans) et nous donnent à voir la "fabrique" du musicien, il me plaît, pour introduire mon portrait, de replonger dans une lecture et retrouver le goût, à peine vieilli et littéraire et si savoureux , du "don Juan de Mozart", de Pierre Jean Jouve (éd. Christian Bourgois, 1968), dont lui-même avouera qu’il y a dans ce livre des visions, des vues exactes, et quelques exagérations ; mais [je crois bien] qu’il y a un style juste. Et d’évoquer, entre tous les génies, le plus mobile, le plus merveilleusement capable de transformations, le Génie de la Musique, saluant un Mozart qui n’en finit pas de poursuivre son achèvement dans le temps, afin de se manifester [tel que Dieu l’a voulu] ; absolue Source de Musique. "Le génie a besoin de temps pour devenir ce qu’il est. Le talent pour se faire connaître n’a pas de telles exigences. Mais le génie, comme une plante trop vaste pour le regard de l’homme, non seulement il peut, à l’origine, échapper complètement à la vue ; mais encore sa représentation en tant que phénomène génial peut demeurer longtemps faussée, à côté de sa réalité véritable (...)", annonce son auteur, dans son introduction, pour parler de la grandeur actuelle de Mozart (p.13).
Le génie de Mozart fut de pouvoir (comme l’avoue fièrement une lettre d’Italie) composer dans tous les styles. D’Idomeneo au Requiem, quarante et une symphonies (dont les trois grandes), toute la musique de chambre et les concertos, vingt-quatre opéras de ballet et six opéras, seize messes et une quantité d’airs et de choeurs religieux - 620 ouvrages ; et Mozart est mort à trente-cinq ans.
Il naît le 27 janvier 1756, à Salzbourg. Son père, Léopold Mozart, lui-même musicien (compositeur et violoniste) de la Cour, au service du prince-archevêque, se charge de son éducation musicale. Et ces deux influences principales, l’influence du milieu musical de Salzbourg (un goût épris de lumière, d’expression simple, de cette beauté musicale toute chantante qui va être comme le fond continu de l’oeuvre entière de Mozart - on pense aux menuets de 1762, ou encore à toute la partie comique de La flûte enchantée) et celle de l’exemple et de l’enseignement de son père, agiront sur Wolfgang, à cette première période de sa formation.
Il révèle des dons prodigieux pour la musique dès l’âge de trois ans : il a une oreille et une mémoire prodigieuse. Il sait déchiffrer une partition et jouer en mesure avant même de savoir lire, écrire ou compter. A l’âge de six ans, il compose déjà ses premières oeuvres (menuets KV.2, 4 et 5 ; allegro KV.3). Il se rend régulièrement à Vienne, et compose, à douze ans, ses deux premiers opéras, Bastien et Bastienne et La finta semplice. L’année suivante, il est nommé maître de concert par le prince-archevêque. Son père lui fait découvrir l’Italie. De 1769 à 1773, Mozart fait trois voyages en Italie, qui influenceront ses compositions. Il y étudie l’opéra, forme musicale dans laquelle il excellera. Grâce à son travail sur les harmonies vocales et sa maîtrise de la polyphonie, il donnera ses lettres de noblesse à ce genre.
Il épouse Constance Weber, le 4 août 1782, et s’installe à Vienne, en compositeur indépendant, pour vivre de ses compositions. Mais son existence est précaire, il doit donner des leçons pour vivre et n’est pas justement reconnu. C’est en collaboration avec le grand librettiste Lorenzo Da Ponte, qu’il pourra enfin donner la pleine mesure de son talent avec des opéras comme Le nozze di Figaro (1786), Don Giovanni (1787), Cosi fan tutte (1790), plaçant l’amour, au coeur de ces opéras. C’est à Vienne aussi, qu’il fait la connaissance du compositeur autrichien, Joseph Haydn (1732-1809), avec qui il entretiendra une correspondance et une amitié teintée d’admiration réciproque, tout au long de sa vie. "Je vous le dis devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne ou de nom, il a du goût, et en outre la plus grande science de la composition", écrira Joseph Haydn à Leopold Mozart. Et, il n’est qu’à lire l’essai de Maurice Barthélemy, De Leopold à Constance, Wolfgang Amadeus (Actes Sud,1987), parti de la lecture de la correspondance de Mozart, pour explorer une voie nouvelle de l’histoire mozartienne et mieux comprendre combien ces deux-là, son père et sa femme, les deux personnes qu’il aima le plus au monde, et auxquelles il donna toute sa confiance (le premier disparaissant, quand la seconde commençait à occuper le devant de la scène (p.219)), jouèrent un rôle essentiel dans l’élaboration de sa gloire et dans une représentation de l’homme qui a survécu jusqu’à nos jours.
Le 28 mai 1787, le père de Wolfgang meurt. Ce décès influencera la composition de son opéra alors en chantier. Don Giovanni est créé à Prague, le 28 octobre 1787, avec un grand succès, qui ne se confirmera pas à Vienne.
"Il n’y a pas un jour où je ne pense à la mort", écrivait Mozart au moment le plus brillant de sa jeunesse. "J’ai seulement de temps à autre, comme des accès de mélancolie", dit encore une lettre de 1778, à son père. Et la bouleversante lettre des derniers jours, sur le Requiem (commande anonyme d’un requiem, alors qu’il travaillait sur le thème féerique de La flûte enchantée (1791) : "Je suis sur le point d’expirer. J’ai fini avant d’avoir joui de mon talent. La vie, pourtant était si belle, la carrière s’ouvrait sous des auspices tellement fortunés... Mais on ne peut changer son propre destin. Nul ne mesure ses propres jours ; il faut se résigner : il en sera ce qu’il plaira à la providence. Je termine : c’est mon chant funèbre et je ne dois pas le laisser imparfait." Car le génie de Mozart est placé sous le signe de la mort - soeur du feu - et selon la règle d’or de la beauté, laquelle laissait entrevoir, en la dérobant, la souffrance intérieure.
Voilà pourquoi ce qu’il propose tient-il pour nous du miracle, s’émerveille Jouve (p.16).
Malade, endetté (malgré ses nombreux succès, il mène grand train de vie), affaibli par les privations et la surcharge de travail, Wolfgang Amadeus Mozart meurt, à Vienne le 5 décembre 1791, sans avoir pu achever ce requiem (qui sera terminé à la demande de Constanze par un de ses élèves, Franz Xavier Süssmayer).

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